Vulgarisation: Transition et persistance du double fardeau de la malnutrition et du surpoids ou de l'obésité : le cas de l'Afrique du Sud

Le but de ce post est de vulgariser les résultats du papier.

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Bref résumé

Le double fardeau de la malnutrition (DFM) fait référence à la coexistence de la sous-nutrition et du surpoids ou de l’obésité dans les mêmes populations, ménages ou individus. En nous focalisant sur la mesure au niveau des ménages, nous cherchons à vérifier si ce statut nutritionnel est un phénomène transitoire ou persistant pour les ménages sud-africains. Nos résultats suggèrent qu’il s’agit d’un phénomène transitoire puisque la plupart des ménages souffrant du DFM sur une période d’enquête ne le restent pas pendant les vagues suivantes. Nous nous intéressons également aux ménages en surpoids ou obèses (SUOB) et observons qu’au contraire ses ménages le restent, ce qui implique de la persistance associée à ce statut. Enfin, les ménages en DFM ont plus de probabilités d’être considérés comme SUOB au fur et à mesure que le temps passe.

Résumé détaillé

Au niveau global, le double fardeau est notamment attribuable à la progression simultanée du développement économique et de la transition nutritionnelle. De ce fait, tandis que la sous-nutrition stagne ou diminue légèrement, l’obésité augmente de manière significative dans certains pays. Pour étudier ce phénomène et sa dynamique, nous utilisons l’exemple de l’Afrique du Sud, où la prévalence du retard de croissance chez les enfants était de 27,4 % en 2020, tandis que la prévalence du surpoids ou de l’obésité chez les femmes était de 67,2 %. Ce pays est le plus touché par l’épidémie d’obésité en Afrique subsaharienne et la sous-nutrition y persiste, notamment dans les communautés les plus pauvres.

Notre analyse du DFM se focalise au niveau du ménage. Un ménage en double fardeau est un ménage dans lequel il existe au moins un individu en surpoids/obèse et au moins un individu en situation de sous-nutrition résidant sous le même toit. Ce qui nous intéresse, c’est de déterminer si ce statut nutritionnel est persistant ou transitoire au niveau des ménages sud-africains. Nous définissons aussi un autre type de ménage, les ménages en surpoids ou obèses (SUOB), c’est-à-dire un ménage dans lequel il existe au moins un individu en surpoids/obèse mais aucun individu en situation de sous-nutrition. De la même manière que pour le DFM, nous cherchons à déterminer si ses ménages restent dans ce statut au fur et à mesure des enquêtes ou si cela n’est que transitoire.

Pour déterminer cela, nous utilisons cinq vagues d’enquêtes de l’étude nationale sur la dynamique des revenus (NIDS) recueillies par une équipe de l’Université du Cap en Afrique du Sud. Les enquêtes étudient les conditions de vie des individus sud-africains et couvrent des questions relatives à l’activité économique, à la pauvreté, à la participation au marché du travail, à l’éducation ou à la santé. Depuis 2008, les enquêtes sont menées tous les deux ou trois ans et la dernière vague disponible a été réalisée en 2017. Nous utilisons les cinq vagues d’enquêtes qui nous permettent de définir un statut nutritionnel pour chaque individu à partir de son IMC. Ces mesures nous permettent par la suite de définir un statut nutritionnel au niveau ménage.

D’après nos résultats, le DFM est un statut nutritionnel transitoire puisqu’il est plus probable qu’un ménage souffrant du DFM ne le reste pas d’une vague d’enquête à l’autre. Notre analyse nous permet aussi de déterminer les ménages les plus susceptibles d’être en double fardeau, à savoir les ménages ayant un chef moins éduqué, résidants en zone urbaine ou les ménages issus de minorités ethniques. Pour ce qui est des résultats de l’autre statut nutritionnel étudié, c’est-à-dire les ménages ayant au moins un individu en surpoids/obèse mais aucun individu en situation de sous-nutrition, il semble que ceux-là soient, au contraire, plus susceptibles de garder ce statut nutritionnel.

Par ailleurs, nos résultats montrent que les ménages souffrant du DFM ont plus de probabilité de devenir SUOB avec le temps. Ces conclusions au niveau ménage proviennent d’implications au niveau individuel. Dans ce papier, nous avons donc cherché à expliquer ce qui au niveau individuel expliquait la transition ou la persistance des statuts nutritionnels au niveau ménage. Nous avons notamment découvert que la persistance du SUOB au niveau ménage est principalement due à une persistance au niveau individuel. En d’autres termes, dans ses ménages les individus en surpoids ou obèses le restent. Pour ce qui est des ménages qui transitionnent du statut DFM vers le statut SUOB d’une vague d’enquête à l’autre, cela semble s’expliquer par le fait que la sous-nutrition diminue puisqu’une grande partie des individus précédemment sous-nutris deviennent normaux. Pour certaines personnes, cela peut être considéré comme une amélioration du statut nutritionnel. Néanmoins, ce n’est pas le cas pour tous les membres du ménage puisque certains restent en surpoids et obèse. En outre, d’après l’hypothèse de Barker, il n’est pas exclu que les enfants en insuffisance pondérale qui deviennent normaux développent plus tard des pathologies chroniques et non transmissibles tel que le surpoids et l’obésité. Par conséquent, cela pourrait contribuer à l’épidémie d’obésité croissante au fil du temps.

Le double fardeau est un problème de santé publique croissant dans les pays en développement et nécessite des interventions politiques spécifiques, à savoir les actions à double objectif. Celles-ci visent à lutter simultanément contre la sous-nutrition, le surpoids, l’obésité et les maladies non transmissibles liées à l’alimentation. Ces initiatives peuvent consister en de nouvelles propositions de politiques ou en des interventions existantes qui s’attaquent à une forme de malnutrition mais qui s’élargissent pour s’attaquer aux multiples formes associées au DFM.

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Adrien Gosselin-Pali
Adrien Gosselin-Pali
PhD candidate in Development Economics

PhD candidate in Development Economics at University Clermont Auvergne, CERDI, CNRS, IRD, France.